dimanche 30 novembre 2008

Bonne année.

On s'échange des voeux au début de l'année civile, de l'année scolaire... Alors pourquoi pas au début de l'année liturgique?
Donc bonne année à chacun. Selamat tahun baru, comme on dit chez moi.

vendredi 28 novembre 2008

Singapore, acte 2.

Je ne vous l'ai pas dit. Hier je suis rentré d'un séjour de deux jours à Singapour. Mes deux jours de congés dimensuels. Je devais refaire un visa, pour éviter de me retrouver dans la prison pour clandestin qui vient d'être reconstruite à Tanjung Pinang. J'ai failli y passer, d'ailleurs, par ma seule faute: mon visa précédent était valable soixante jours, ce qui pour moi voulait dire deux mois. Donc du 25 septembre au 24 novembre, pour moi cela convenait. Erreur, crétin, ça fait 61 jours. Le flic de la douane a donc voulu me faire peur (faut bien qu'il ait, de temps en temps, le sentiment d'avoir du pouvoir), en me disant que j'étais un clandestin, que c'était illégal, et que, si il voulait il pouvait m'envoyer en prison sur le champ. J'ai fait ma blonde et ça a marché: l'incarcération immédiate a d'abord été commuée en une amende de 200 000 Rp (ce qui est beaucoup, un visa de 60 jours, hors « petite enveloppe » obligatoire coûtant 250 000 Rp), puis, devant ma pseudo-détresse que j'ai tenté d'extérioriser le plus possible, l'amende a été réduite à des gros yeux.
Voilà, c'est la seule aventure du séjour. Pas de naufrage, pas de prise d'otage, pas d'amende, pas de prison.

Singapour.
C'est quand même une ville très particulière. Les singapouriens aussi sont particuliers. Que font-ils de leur vie? Alors, d'abord, ils travaillent. Beaucoup. Ensuite, ils ont deux loisirs: faire du shopping et aller au restaurant. C'est pas croyable le nombre de malls, shopping centers et autres galeries commerciales qui existent. Pour un état qui n'est pourtant pas si grand (4 millions d'habitants environ), réussir à en construire (et remplir!) autant est pour moi une prouesse. C'est simple; chaque pâté de maison a son shopping center. Et ils développent le concept bien mieux qu'en France: chez nous (enfin, chez vous), un centre commercial est conçu pour faire des courses. Certaines personnes – qui ne doivent rien avoir de mieux à faire, les pauvres – vont s'y promener, mais cela n'est pas d'abord conçu pour cela. J'ai « visité » le dernier mall singapourien, et, manifestement, le concept a changé: c'est devenu avant tout un lieu de promenade décomplexée: En plus des magasins et boutiques en quantité incroyable, on trouve des jardins pour se reposer, une terrasse sur le toit avec vue sur la mer, bancs, transats, coins d'herbe et bassins pour se rafraîchir, jeux pour les enfants, lieux de prière, grande promenade, avec d'un côté les terrasses des restaurants du mall est de l'autre une vue assez belle sur le port de tourisme et une île préservée de l'industrialisation. C'est donc bien avant tout un lieu de promenade. Une forme de néo mall dans lequel « les courses » en tant que loisir seraient poussées à leur paroxysme. « Tu viens, on va aller se reposer en prenant un bain de soleil sur les transats des Quatre Temps. - A quel endroit? Entre le Mac Do et Celio ou à côté du LCL et du parking? » C'est quand même assez glauque, non?
Après ces centres commerciaux new age, on peut être surpris par la pub: chaque bus et chaque coin de rue a son écran avec des pubs en continu (avec le son bien évidement), et cette année c'est Hitatchi qui sponsorise les décorations de Noël. Le nom de la boite est donc sur chaque décoration de Noël, chaque guirlande et tous les sapins de l'espace public. A quand les Champs-Elysées décorés par Renault (avec des mini Twingo clignotantes dans les arbres), ou le sapin « marque repère » offert par Leclerc sur le parvis de Notre Dame?
Bon, je suis méchant. Singapour a aussi ses bons côtés. D'abord, on y mange bien pour pas cher. Angeline, la gentille secrétaire de la paroisse qui m'accueille (« the best secretary on the earth », d'après le curé, le père Arro, MEP), m'a invité dans un super restaurant: on peut y manger du vrai pain, et du beurre français à volonté. Un régal!!
Comme autre qualité, Singapour est propre. Même nikel. Ça change de l'Indonésie. Posséder un chuingome est un délit et jeter un papier par terre aussi. Jeter un chuingome doit donc être un grave délit avec circonstances aggravantes.
Ensuite Singapour est climatisée. Partout: métro, magasins, restaurants, musées, bus, taxis, églises, WC publics... Tout est climatisé! Et la clim est le plus souvent réglée sur « glacial », 22-23°. Du coup, bien que l'on crève de chaud à l'extérieur, à Singapour on sort avec son pull.
Mais ce qu'il y a de mieux à Singapour, ce sont les Singapouriens. Enfin, ceux que je connais sont sympa. Il y a d'abord Angeline, la gentille secrétaire dont j'ai parlé plus haut et qui joue le rôle de copine de tous les volontaires qui débarquent dans sa paroisse pour refaire leur visa. Il y a le père Michel Arro, un français, curé de la paroisse qui ne peut s'empêcher de donner une bonne bouteille ou quelques billets (« pour acheter des fruits aux enfants »), avant que l'on reparte. Il y a le père Damien De Wind (qui malgré son nom Hollandais et son visage Philippin n'est ni l'un ni l'autre), le vicaire qui fait quelques bonnes blagues et se montre intéressé par les volontaires qui viennent chez lui. Il y a le père Bruno, MEP aussi, qui a toujours des trucs pour emmener les volontaires dans des coffee shop bio ou des endroits comme ça. Il y a Iwan, le responsable de la pastorale des jeunes de la paroisse qui, s'il n'est pas funissime, a le coeur sur la main....
Bon, sinon, mis à part manger et visiter les centres commerciaux, qu'y ai-je fait dans cette ville?
Je suis allé me promener. A Little India pour voire des Indiens et à Chinatown j'ai rencontré quelques Chinois. A Clarcke j'ai pris un verre sur le bord de la Singapore River, un ruisseau, et en haut du Mont Faber j'ai admiré de loin la taille impressionnante des porte-conteneurs qui arrivent au port. Voilà. En deux jours et demi, c'est pas mal, non?

vendredi 21 novembre 2008

Mentir, c'est pas bien!...

... En France, en tout cas. En Indonésie, c'est pas si simple. C'est très déconcertant, quand on commence à s'occuper de jeunes, de voire avec quelle facilité, et en toute bonne foi, ils mentent. Si je n'avais pas été briefé avant de partir par les autres volontaires, je pense que j'aurais un peu perdu les pédales. Mais heureusement, on m'a briefé sur deux points culturels indonésiens qui sont parmi les plus significativement différents des nôtres:
- En France, quand un enfant est éduqué, (si, il y en a encore) on lui apprend que ce n'est pas bien de mentir. En Indonésie, on lui apprend à ne pas blesser les cœurs. Ça change pas mal la perspective.
- Plus largement, et comme tous les asiatiques je crois, là où les Occidentaux recherchent avant tout la vérité, les Indonésiens recherchent l'harmonie. Peu importe à la rigueur que ce que l'on dit ou fait soit vrai. Ce qui compte, c'est de ne pas rompre l'harmonie naturelle du monde. D'où leur facilité déconcertante à mentir.
Bien entendu, cela ne les empêche pas du tout de mentir AUSSI pour que je leur file des sous ou que je leur fasse une lettre de dispense d'école. Mais alors, pas du tout!

Ces derniers jours...

  • Jerry s'est fait virer.
Jerry c'était un emmerdeur. Il faut appeler les choses par leur nom. Le nouveau type de jeunes que le foyer accueille: les enfants de commerçants de Batam, qui ont de l'argent mais ni morale ni temps pour s'occuper d'eux (business is business). Le genre d'enfant totalement laissé à lui-même et qui pousse comme une mauvaise herbe. Jerry fume beaucoup, bois pas mal, sèche très souvent l'école et fugue du foyer dès qu'il peut. Il ne va que rarement en étude, et quand il y va c'est pour chahuter. Il ne veux jamais se lever le matin pour aller à la messe, ni se coucher le soir. C'est un provocateur et un insolent. Il influence beaucoup les autres, dans le mauvais sens bien entendu. (Moi c'est ça qui me gêne le plus). De la mauvaise graine, très mal partie dans la vie. Pourtant, avec Laurent, Hiro et le Père Henri on avait décidé de le garder. On lui avait dit qu'on lui laissait une dernière chance pour se calmer. C'est l'école (il est en 4°) qui en a décidé autrement. Viré. Et viré de l'école signifie qu'il ne peut pas rester au foyer. Il n'y aurait rien à faire...
Du coup, il va rentrer à Batam. Son père va venir le chercher demain. Lui (Jerry, mais son père aussi, d'ailleurs), il s'en fout. Franchement, je ne sais pas ce qu'il va devenir.

  • Ouverture du magasin.
C'est pas encore un hypermarché, mais presque. Avec Laurent, on met en place un petit magasin pour que les jeunes du foyer puissent acheter leurs produits de première nécessité facilement. Vous pouvez donc trouver dans un magasin ouvert de 6h15 à 22h30 7j/7 (sauf quand c'est fermé), du savon, du dentifrice, des brosses à dents, des chaussettes blanches pour l'école, des slips, des marcels (très à la mode!), de la lessive, des bonbons, des chocolats, des stylos, des crayons, des regles, du tip ex, de la colle, du gel pour les cheveux, du cirage, des cahiers, des sandales... C'est à prix coutant. Déjà 61 références.
Un autre petit avantage de ce magasin, c'est que l'on pourra un peu mieux contrôler les dépenses des jeunes: pour le moment ils nous demandent souvent de l'argent en nous disant que c'est pour acheter de la lessive ou du savon, mais à la place ils achètent des clopes. Là, ils devront trouver une autre excuse.
J'ai reçu des e-commandes. La maison n'exporte pas encore.
  • Ouverture (prochaine) d'une "salle de jeux informatique" (c'est un bien grand mot!).
Un des fléaux du foyer, c'est le Samedi soir: une bonne partie des jeunes fuguent pour aller jouer aux jeux vidéos en ville. Ils jouent jusqu'à pas d'heure, fument et parfois même plus. Et les jeux auxquels ils jouent mériteraient souvent un grand "V" et un grand "E" dans les critiques de FC. (Comprennent les initiés! lol.). En mettant quatre ordinateurs à leur disposition pour jouer dans mon bureau, on espère pouvoir les contrôler un peu. Certes, vu l'age des ordis, on ne pourra pas mettre des jeux extraordinaires (que l'on ne sait d'ailleurs toujours pas comment se procurer...), mais le fait que ce soit gratuit, on espère que la tentation de la fugue sera amoindrie. Enfin, pour le moment on espère surtout. On verra ce que ça donne...
  • Les étudiants
Ce derniers temps, j'ai été presque harcelé par des étudiants indonésiens qui cherchaient de gentils pigeons pour les interviewer. Ce sont des étudiants en tourisme, dans un cycle d'études supérieur, c'est à dire d'un niveau qui n'est normalement pas humiliant. Leur travail consistait à trouver des touristes et à leur poser des questions débiles: Vous venez d'où? Vous faites quoi ici? Où allez-vous? Aimez-vous Tanjung Pinang? ... Des questions toutes connes mais qu'ils étaient, pour la grande majorité, incapable de poser. C'est vraiment impressionnant de voir à quel point les indonésiens ne parlent pas anglais: même dans des études supérieures (et en plus orientées vers le tourisme), ils ne savent pas faire une phrase...
Ça a commencé par trois amis du cuisto du foyer. Puis, des groupes de tailles diverses (de 3 à 11 personnes), ont débarqué sans prévenir pour nous interviewer trois ou quatre fois par jour, Laurent et moi. Au début on trouvait ça marrant, mais au bout de 25 interviews chacun, on a commencé à les envoyer balader. Faut pas abuser. Et puis préparez votre travail avant d'arriver!
  • Dilemme
Depuis cette semaine, on a la télé par le câble. C'est le directeur du foyer qui a voulu ça. C'est sa réponse à lui au problème des fugues: ils vaut mieux qu'ils regardent du foot à la télé plutôt que de fuguer. Au début j'étais contre: il y avait déjà la télé (de très mauvaise qualité, certes), et même si elle n'est ouverte que du Samedi après-midi au Dimanche soir, je trouvait que les jeunes la regardait trop. C'est vrai que ses programmes ne sont pas immoraux; l'Islam contrôle bien, et toute scène méritant un petit"e" ou un petit "v" dans FC est coupée. (Là aussi, comprennent ceux qui peuvent!). Même dans Astérix et Obélix mission Cléopâtre. Mais les feuilletons qui passent sont vraiment, mais alors vraiment très bas de gamme. En comparaison, Plus belle la vie, c'est du cinéma d'art et d'essai, et TF1, un chaine culturelle élitiste. C'est avilissant comme pas deux...
En plus, le câble nous coute 60 000 Rp par mois. C'est pas énorme, mais c'est trop quand on a déjà plus de sous.
Donc, voilà, j'étais contre l'idée d'élargir les capacités télévisuelles. Mais face aux fugues, n'est-ce pas mieux qu'ils restent tranquillement au foyer? Je ne sais pas. Pour moi, ça reste un dilemme. En tout cas, ça montre un défi: proposer des activités qui leur plaisent plus que fuguer ou regarder la télé. Pas facile...

mardi 18 novembre 2008

Gros dégoutant!

Il y a un truc qui m'agace chez les indonésiens, c'est qu'ils ne savent pas travailler proprement. C'est agaçant de leur confier un travail simple et qu'ils soient incapables de le faire bien...
Il y a quelques temps, j'ai fait deux petites cartes pour remercier des donateurs. Je les ai fait signer par une vingtaines de jeunes, en leur précisant qu'ils fallait faire ça proprement, et ne signer que si l'on avait les mains et le bureau propres. Mais ça n'a pas été possible: carte cornée, traces de doigts, de ratures... Un travail de cochon. Bon, ok, ça fait plus authentique.
Autre anecdote, mais qui illustre à mon sens l'incompétence de beaucoup d'indonésiens: J'ai fait faire d'autres cartes, pour Noël. J'ai fait un modèle que j'ai imprimé au foyer. J'ai simplement demandé à une entreprise de photocopies (dont le métier, à priori est de faire des photocopies correctes) de photocopier mon modèle en deux cent exemplaires sur un beau papier, puis de couper celui-ci à la bonne dimension. J'ai bien tout expliqué à la petite dame qui faisait les photocopies, et on en a même fait une ensemble pour que je soit certain qu'elle ait compris. (Pourtant c'était hyper simple; un enfant de 10 ans y arriverait sans problème). La photocopie faite ensemble étant bonne je lui ai dit d'en faire 199 autres pour le lendemain matin. Mais elle n'a pas réussi...: le lendemain, c'était de travers, pas centré, mal découpé... J'ai un peu râlé, mais la pauvre ne comprenait pas ce qu'elle avait fait de mal. Pour elle, l'essentiel y était. J'ai pas insisté, mais c'est agaçant qu'elle se contente de médiocre. Je crois qu'elle est bien à l'image de son pays et de sa culture: en matière de travail, le médiocre suffit.
De même, toujours pour ces mêmes cartes, j'ai fait imprimer des photos. Elles sont d'un format un peu particulier, donc j'ai bien précisé la taille que je voulait et j'ai en même imprimé une de mon ordinateur pour que le photographe ait un exemple. Là non plus il n'a pas été capable de le faire au bon format; elles sont trop petites... Bon, comme c'était pas cher, j'ai pas trop râlé; mais c'est agaçant: tout est comme ça!

lundi 17 novembre 2008

Enseigner l'anglais aux Indonésiens

Je donne des cours aux enfants du foyer. Trois heures d'anglais par semaine. Deux heures pour les collégiens, par groupe de 3 à 10 selon leur motivation, et une heure pour les lycéens, qui sont sept. Dire qu'ils sont nuls en anglais est flatteur: si au bac ils ont le niveau que j'avais en 5° (et qui pourtant était bien modeste), c'est assez honorable...
En fait, ce qui est difficile, c'est qu'avant de leur apprendre la langue, il faut leur enseigner des concepts qui semblent évidents à un Français, mais qui leur sont totalement étrangers.
Par exemple le verbe "être". Pour nous, c'est assez facile d'expliquer le concept du verbe "to be" dans ses utilisations ordinaires. En indonésien, ce verbe n'existe pas. Comment faire alors pour le leur enseigner? Je bute un peu... Si ça peu éventuellement les choquer d'oublier le sujet dans une phrase (encore que...), ne pas mettre le verbe être ne les embête pas le moins du monde. Le mettre est un peu pour eux une fantaisie littéraire très accessoire...
Pareil pour le temps: pour indiquer le passé, le présent ou le futur, ils mettent des indications (hier, en ce moment, la semaine prochaine...), et le verbe à l'infinitif. Mais en anglais, c'est pas pareil. Si vous avez des conseils en pédagogie je suis preneur!!

dimanche 16 novembre 2008

Ce que j'ai compris de l'islam - quatrième partie: les "piliers".

Ils sont :
  • La Shahada.
J'en ai déjà parlé, donc ne revient pas dessus. Notons tout de même que dans la profession de foi on proclame « je témoigne », ce qui fait de l'islam une religion missionnaire.

  • La prière (Salat).
C'est une prière rituelle réglée de façon très stricte: mêmes heures, cinq fois par jour, mêmes gestes, mêmes paroles, même direction. Elle doit donc créer un sentiment de communauté fort. On note que les prières musulmanes sont essentiellement de louange et d'adoration. Tout venant de Dieu, et l'Homme Lui étant totalement dépendant, cela ne sert donc généralement à rien de Lui faire des demandes.
  • L'aumône (Zakat).
Est obligatoire. Son montant, proportionnel aux revenus, est fixé par chaque pays. De l'ordre de 2%.

  • Le jeûne (Siyam), ou Ramadan.
Le musulman entant « jeûne » dans son sens le plus stricte: RIEN ne doit rentrer dans le corps, pas même de la salive ou une transfusion sanguine (mais quand on est malade on est dispensé de jeûne, ouf!).

  • Le pèlerinage à la Mecque (Hajj).
Pour faire l'expérience de l'universalité de l'islam.

On peut aussi ajouter le Jihad (grand: lutte personnelle, et petit: guerre sainte déclarée par la commuanuté), mais ça ferait six piliers...

Ce que j'ai compris de l'islam - troisième partie: le rite

Plus qu'ailleurs, en Islam le rite forme la communauté. A titre de comparaison, et en simplifiant, on pourrait dire que les catholiques sont plus attachés au dogme et les musulmans au rite. Ainsi, pour les catholique, l'essentiel est de croire au Credo, la forme de prière et le mode de vie qui en découlent devenant seconds. Personne n'est par exemple obligé de prier selon la liturgie des heures, ni à certains moments de la journée, ni dans une direction précise. En revanche, si on ne croit pas au Credo, on est pas chrétien. En Islam, c'est l'inverse: l'important est de faire la prière selon les règles: horaires à la minute près (c'est pour ça qu'il y a toujours beaucoup d'horloges dans les mosquées), direction et geste très précis, parole non improvisée... Alors, bien sûr il est nécessaire de croire aussi aux dogmes musulmans pour l'être, mais cela ne vient qu'en second plan. En fait, les musulmans ne se posent pas beaucoup de questions: Tant qu'ils respectent bien les rites, c'est bon.

Un autre comparaison – très caricaturale je l'admets- permet de comprendre la différence: le prêtre catholique (qu'en Indonésien on peut, par abus de langage, appeler « Imam katolik ») est, entre autre celui qui a la charge d'expliquer à ses frères les sens des écritures, des dogmes... pour les faire avancer dans la foi. L'imam, lui, est en principe choisi parmi les hommes qui connaissent bien les gestes et les paroles de la prière: son rôle premier est de montrer les bons gestes pour respecter le rite [« Pour être conforme aux commandements du prophète »]. C'est pour cela qu'il est devant: pour que tout le monde le voit dans la mosquée et puisse imiter ses gestes et ses paroles.

Ce que j'ai compris de l'islam – deuxième partie: en quoi croient les musulmans?

Le premier des fameux « cinq piliers » de l'islam est la Shahada, c'est à dire la profession de foi nécessaire pour devenir musulman: « Je témoigne qu'il n'y a pas d'autre Dieu que Allah et que Mohammed est son prophète ». Dire cela devant un imam suffit à devenir musulman. Elle est répétée lors de tous les appels à la prière. C'est la première phrase – en théorie – que tout nouveau né entend à sa naissance.

Une des traditions, provenant de Omar (2nd successeur du prophète) donne aussi l'explication suivante:
« Nous étions assis près du messager d'Allah (que l'honneur et la paix soit avec lui) quand soudain un homme apparut. Ses vêtements étaient d'un blanc intense et ses cheveux très noirs. Il s'assit près du prophète et dit alors: ''Oh Mohammed! Explique moi le sens du mot Islam.'' Le prophète répondit: ''Islam consiste en ceci:

  • Témoigner qu'il n'y a pas d'autre Dieu que Allah et que Mohammed est son prophète.

  • Faire la prière

  • Faire l'aumône

  • Pratiquer le jeûne

  • Faire le pèlerinage dans la mesure du possible.''

[L'ange Gabriel] demanda encore: ''Explique moi le sens du mot Iman [la foi].'' Le prophète répondit: ''Iman [qui a la même racine hébraïque que Amen: « roc »] consiste en ceci:

  • Croire en Dieu qui est strictement unique. [Refus farouche de la Trinité (que beaucoup de musulmans croient être Dieu, Jésus, Marie). Coran: ''Dieu est unique, Dieu est le même. Il ne peut pas engendrer ni être engendré''.]

  • Croire aux anges. [ Il y en a des bons et des mauvais. Gabriel a une place spéciale parce que c'est lui qui a révélé la Coran à Mohammed.]

  • Croire aux Livres [au pluriel: il y en a quatre: La Torah, le Zabur (les Psaumes), L'Ingil (L'Evangile*), le Coran qui reprend toutes les écritures et devient l'écriture parfaite. Il est le eul miracle de l'islam. C'est un livre incréé et récité mot à mot par l'Ange Gabriel à Mohammed.]

  • Croire aux messagers. [Noah (Noé), Ibrahim (Abraham), Musa (Moise), Jésus, Mohammed]

  • Croire au Dernier Jour. [On sera jugé à partir des intentions, et on ira en enfer ou au Paradis. Il y a donc résurrection.]

  • Croire en la Prédestination pour le bien et pour le mal.[Avant, la place de la liberté de l'Homme était grande. Maintenant c'est l'idée de la toute puissance de Dieu qui prend le dessus]''


* Évangile est au singulier, parce que les musulmans pensent que les Chrétiens ont falsifié les écritures et que les quatre Évangiles canoniques sont des faux. En revanche beaucoup d'entre eux croient à « l'évangile de Barnabé ». Cet évangile est le seul qui nomme Mahommet. Il décrit la vie de Jésus de façon acceptable par l'islam (c'est à dire que Jésus n' a pas été crucifié – comment Dieu accepterait-il qu'un prophète le soit? - mais qu'un sosie s'est substitué à lui.) Ils croient donc que c'est Barnabé, le disciple de Jésus, qui en est l'auteur. En fait, les études historiques montrent que c'est un document datant du 16° siècle (après JC, bien sûr), rédigé par un ex-moine espagnol, converti à l'islam et qui avait gardé rancune de sa foi précédente... Il a donc rédigé un document compatible sur l'essentiel avec la doctrine musulmane, mais très critique du christianisme. C'est ça qui me donne le plus de mal: comment croire à des choses dont il a été DEMONTRE qu'elles sont fausses et rester quelqu'un de raison...?

vendredi 14 novembre 2008

Ce que j'ai compris de l'islam - première partie.

Depuis le début de la mission, je commence à avoir lu pas mal de bouquins sur l'islam. C'est une religion qui m'était assez inconnue – quelques préjugés débiles mis à part; je n'en avais comme connaissance qu'une lecture du Coran, une petite formation aux MEP et le JT de TF1 – et que je découvre tous les jours dans son organisation quotidienne.
Première impression de lecture: il est difficile de trouver des livres qui disent à la fois des choses belles et intelligentes de l'islam. J'en ai trouvé pas mal qui disent des choses intelligentes mais assez sombres, quelques uns qui disent des choses belles, mais que je trouve niaises et qui me semblent bien naïves... Rares sont ceux, donc, qui disent des choses belles et intelligentes. Est-ce parce qu'il est difficile de trouver des choses belles dans l'islam????

Premier élément, qui peut surprendre: l'islam est une religion asiatique. 60% des musulmans vivent en Asie, et plus de 80% ne sont pas Arabes... Les cinq premiers pays musulmans dans le monde sont: l'Indonésie (250 millions de musulmans), le Pakistan (150 millions), la Chine (150 millions) et le Bangladesh (150 millions). Ce sont bien des pays asiatiques! Viennent ensuite l'Inde et l'Iran et la Turquie qui ne sont pas non plus Arabes.

Deuxième point, l'islam est divisé en courants. Ces divisions sont avant tout politiques: les musulmans se retrouvent sur l'essentiel de la doctrine et sur une bonne part des pratiques religieuses. Les deux principaux courants sont le sunnisme (80% des musulmans) et le chiisme (15%). Des petites communautés comme les ismaéliens, les druzes ou les kharidjites existent aussi.

jeudi 13 novembre 2008

Ces derniers jours

Oui, ces derniers jours je suis resté muet. Non pas qu'on l'on m'ait coupé la langue - enfin, pour un blog, disons plutôt les deux mains - mais j'ai été très occupé, en même temps qu'un peu fatigué. Comme je l'avais écrit dans un message précédent, on a traversé un grosse période de grippe. Aller deux fois par jour au dispensaire pour faire soigner les malades, - et même faire des allers-retours à l'hôpital pour Stepen - à la pharmacie, donner les médicaments (sans oublier personne, et sans rien mélanger, pas facile!!!), faire les lettres d'excuse pour dispenser les malades d'école, faire la chasse à ceux qui en profitent pour fuguer, démasquer les faux malades (sans pour autant oublier les vrais), acheter des fruits pour qu'ils aient un peu plus de vitamines, ... C'est prenant. Ajoutons à cela que le directeur du foyer n'était pas très actif puisque se remettant d'une douloureuse crise de Chicungunya, que les enfants commencent à être fatigués, puisque cela fait depuis septembre qu'ils n'ont pas eu de vacances, ça fait pas mal.
Mais aujourd'hui, ça commence à aller mieux: Hiro reprend son rôle, les malades guérissent, et les fugueurs reviennent. Restent quelques mythomanes qui ne sont pas malades et qui peuvent encore rêver pour que je les dispense d'école. Non mais!

Je suis un boulet!

Et toi aussi, lecteur, probablement. Enfin, plutôt que boulet, écrivons plutôt "bule". Mais on prononce "boulet", comme un gros boulet. En Indonésien, ce terme gentillement ironique désigne les blancs occidentaux (qui sont pour les indonésiens, Australiens, Américains ou éventuellement Hollandais). Littéralement, cela veut dire albinos. Au début cela peut surprendre quand, au cours de ses promenades, on se fait apostropher tous les dix mètres: "Hé! Boulet, boulet!". Mais rien d'agressif là dedans, c'est leur façon de dire bonjour. Par contre, ce qui me met plus mal à l'aise c'est le sentiment d'envie qu'ils semblent laisser transparaître face à un blanc: Pour eux, un blanc est FORCEMENT beau, riche, et heureux (parce que beau et riche). Il possède une grosse maison, un beau 4*4 et regarde le monde de haut. (Normal du haut d'un 4*4, me direz-vous). Ça donne l'impression d'une forme de racisme à l'envers, un complexe d'infériorité qui me dérange parce que cela fausse les relations...

mercredi 5 novembre 2008

Changement de saison

En ce moment, tout le monde est malade. Hiro, le directeur du foyer a été hospitalisé une semaine (il m'a dit avoir le Chicungunya), trois enfants sont rentrés chez eux, et, depuis dix jours, je vais presque tous les matins au dispensaire pour un malade, alors que sur les trois premiers mois je n'y suis allé qu'une seule fois pour une rage de dents... Tous les enfants semblent avoir la même chose: forte fièvre (~40°), chauds-froids, grande fatigue, maux de tête, toux. Un genre de grippe. Il parait que c'est comme ça dans toute l'Indonésie. C'est deux fois par an, quand on change de saison. Ici, on passe de la saison chaude (mais qui est très humide), à la saison humide (qui reste tout de même chaude). Moi je ne vois pas de changement. Peut-être un peu plus frais la nuit? Et encore... Mais les indonésiens, ça semble les abattre complètement! Et moi ça me donne du travail en plus: aller au dispensaire, dévaliser les pharmacies en sirop, aspirine..., donner les médicaments, prendre les températures (parce que il y a aussi des tricheurs qui espèrent ainsi ne pas aller à l'école), prêter mes deux pulls à ceux qui ont froid alors que moi j'ai toujours aussi chaud.
Mais ne vous inquiétez pas; moi, ça va, je vais bien!

Les comptes - octobre

Comme chaque fin de mois maintenant, je viens de clôturer les comptes du foyer pour octobre. Les voici dans les grandes lignes:
Recettes: 13 720 000 Roupies
Charges: 14 091 000 Roupies
Résultat: - 371 000 Roupies

Répartition des dépenses par poste:
Nourriture: 7 546 000 Rp
Salaires: 4 000 000 Rp
Fluides (électricité, gaz, fuel, téléphone): 1 281 000 Rp
Autre: 1 264 000 Rp

On notera dans les recettes 500 000 Rp d'un donateur, et dans les dépenses environ 300 000 Rp de médecin, dispensaire et médicaments. On est dans la saison des malades...
Les frais du foyer payés par les familles ne couvrent donc pas la totalité des dépenses courantes. Et elles ne couvrent aucune des dépenses d'entretien du foyer... C'est le père Henri qui passe à la caisse chaque mois (pour plusieurs millions tout de même...). Un vrai défi: comment faire quand il ne sera plus là?