Voici maintenant plusieurs jours que, mis à part les dépèches de l'AFP, je n'ai plus publié de messages. En effet, je suis un peu débordé (un peu, pas trop quand même, puisque je trouve le temps d'écrire ce message) depuis que mon co-volontaire est parti à Jogja pour apprendre l'indonésien, de la même façon que moi j'y suis allé en Août. Donc, je me retrouve pour le moment seul à gérer le foyer.
Ces derniers jours, la routine s'est mise en place, les habitudes s'installent:
4h45; mon réveil sonne. Ça fait déjà un bon moment que je suis plus ou moins réveillé, surtout en ce moment de ramadan ou les mosquées crachent leurs prières dès 3h30. C'est tellement fort que j'ai à chaque fois l'impression de dormir dans la mosquée. Hiro, le directeur du foyer réveille les enfants qui vont se doucher. Moi aussi je me lave. La douche, c'est simple: un bac d'eau (de pluie) et une casserole en plastique pour s'asperger d'eau froide. Puis je pars à la chasse aux fugueurs: tous les enfants sont encore à moitié comateux avant la messe et beaucoup sont tentés de se recoucher. Du coup, on a fait réparer la serrure du dortoir et on le ferme. Une tentation en moins.
5h23; la messe de 5h30 commence. Le père Henri, 81 ans, est comme chaque jour venu en moto. Les filles du foyer des filles (c'est débile de dire ça, non?) nous rejoignent avec leurs trois bonnes sœurs pas très marrantes. On s'assoie par terre, les garçons à gauche, les filles à droite, et un très large passage entre les deux. Le père Henri fait au moins deux homélies durant la messe, une au début et l'autre après l'évangile. Il dit presque toujours la même chose: "on est des pêcheurs mais Dieu nous aime".
6h18. En attendant le petit déjeuner, vers 6h30, première ouverture de mon bureau. C'est le rush: Mister kaos kaki, monsieur, des chaussettes; minta uang? Je peux avoir des sous? Saya mau duit. Je veux des sous... Ada sikat gigi? Il y a des brosses à dents?
6h32, petit déjeuner. Le riz de la veille est servi frit avec quelques morceaux d'oeuf et de poisson dedans. On boit un thé très très sucré (et c'est peu dire!).
6h44, réouverture du bureau des pleurs. Même topo qu'un quart d'heure plus tôt, mais avec encore plus de monde et la tension qui monte: on va bientôt être en retard à l'école.
6h59. Les derniers repartent.
7h11. L'école a commencé. Apparait un mec qui veut me faire croire qu'il est malade. En fait il ne veut juste pas aller à l'école. Il veut que je lui fasse une lettre d'excuse. Pourquoi t'es pas venu plus tôt? Pourquoi tu dis que tu as de la fièvre et le thermomètre indique 37,00°? T'es pas malade. Je te fais pas ta lettre. T'assumes tes conneries avec tes profs.
7h14. Je me recouche pendant une heure, juste reveillé par les lycéens qui veulent que je leur ouvre une salle (ils n'ont pas cours le matin), puis par Tonu, le cuistot, qui veut 300 000 Rp pour aller faire les courses, puis par le livreur de gaz, puis.... En fait je ne dors pas vraiment.
7h55. Il faut faire la chasse aux lycéens pour qu'ils se mettent à l'étude.
8h13. L'étude de 8h00 commence laborieusement. Ils dorment tous à moitié. L'avantage, c'est qu'ils ne font pas de bruit et que je peux aussi bosser un peu.
09h00 très précises. Fin de l'étude.
09h04. J'enfourche ma moto pour aller en ville.
09h21. J'arrive à la banque. Je ne connais personne, mais tout le monde me connait. L'autre jour, quand je faisais la queue (ici, dans les banques et les stations service, on fait autant la queue qu'en France à la Poste ou à la Sécu), ma voisine de devant m'a demandé ce que je faisais dans la vie, d'où je venais, comment je m'appelais, quel était mon age, si j'étais déjà marié, où j'habitais, pourquoi je venais à la banque, quelle était ma religion, et quel était mon numéro de portable. A toutes les questions, sauf la dernière, c'est le guichetier qui a répondu, alors même que je ne lui ai jamais rien dit... J'ai eu aussi la même aventure à la douane en allant chercher une amie au port. Je fais donc imprimer mon relever de compte (ici il n'est jamais envoyé par la poste), puis je fais faire de la monnaie pour l'argent de poche: je donne 500 000Rp en billets de 50 000, et je repart avec un kilo de billets de 1000Rp et 5000Rp. Si par hasard il devait y avoir pénurie de monnaie au foyer, ce serait la révolution!
9h45. Je ressort de la banque et passe à la pharmacie, au presbytère pour dire bonjour au père Henri, éventuellement au supermarché... J'ai de la chance, ce matin il n'y a pas de vrai malade: pas besoin d'aller au dispensaire. C'est une grosse heure de gagnée.
12h15. Je rentre au foyer à peu près au même moment que les collégiens rentrent. Déjeuner. Invariablement du riz blanc avec un petit poisson et des légumes à l'eau. Déjeuner un peu libre parce que tous ne rentrent pas à la même heure, et les lycéens doivent partir. D'ailleurs au milieu de mon repas, je dois aller leur ouvrir le vestiaire. Je ne suis pas sensé le faire à cette heure-ci, mais bon, ils ne vont pas aller pieds-nus à l'école. Il faut l'uniforme.
12h45-13h15, réouverture du bureau des pleurs. 13h15. Je fais une sieste. Les collégiens - qui doivent normalement dormir - s'en foutent et frappent à ma porte. Ils le font avec tant d'insistance que parfois j'ai cru que c'était pour quelque chose d'important. Mais c'est jamais le cas. Alors maintenant je les envoie au diable ou je ne leur ouvre même plus.
14h45. Fin de ma sieste, mais je n'ouvre toujours pas la porte: Les jeunes doivent encore se reposer. Je bouquine: en ce moment L'Islam des interdits de Anne-Marie Delcambre. C'est pas hyper fun d'être musulman.
15h30, étude des collégiens. C'est Hiro qui s'en occupe. Je poursuis ma lecture ou check mes mails.
16h30, ménage. Chaque espace du foyer (extérieur, chapelle, WC, dortoir, vestiaire, grande salle..) est sous la responsabilité d'une classe de collégiens. C'est fait. Vite fait et correctement fait. Après c'est la pose, récréation. Mon bureau est ouvert ou je vais jouer au ping-pong. Il va aussi falloir que je mette en place des cours d'Anglais. Mais bon, on verra ça au retour de mon co-volontaire, après le ramadan.
18h45. C'est bientôt le dîner. Je vais presser les retardataires des douches (toujours les mêmes) en les menaçant de fermer le vestiaire. Ils seraient alors obligés de rester à poil.
18h59 59'' je ferme le dortoir. C'est le dîner. Rizal Don Bosco (c'est son prénom, mais on ne dit que Rizal) lit le Bénédicité. Puis chacun se sert (après moi tout de même). C'est le rush. Ils mangent souvent sans couverts, partagent un verre à plusieurs. Le dîner est très différent du déjeuner: riz blanc (les restes du déjeuner réchauffés. Les restes des restes serviront pour le lendemain matin) avec un petit poisson et des légumes à l'eau. Le Jeudi soir c'est la fête, on remplace le poisson anoréxique par un poulet rachitique. Et parfois (mais faut pas abuser, c'est rare) un fruit.
19h17. Les Grâces sont lues.
19h18. Mouvement de foule vers l'étude qui commence à la demie. L'équipe vaisselle fait la... vaisselle. (Mal, d'ailleurs).
19h41-19h44. Trois minutes de vrai silence et de concentration dans la salle d'étude. Sinon, c'est plutôt le bazard. Je crois que ça n'est pas de la mauvaise volonté, mais vraiment, ils ne savent pas travailler.
21h15. Fin de l'étude. On va à la prière. Lecture commune de l'évangile du lendemain matin suivi d'un commentaire de Hiro, le directeur du foyer (comme ça on aura eu trois homélies). Le Jeudi, variante: on rajoute des chants de Taizés, en indonésiens. (Par exemple, Bless the Lord my soul devient Pujilah Tuhan). Ils chantent assez mal.
21h29, réouverture du bureau, distribution des médicaments (90% de paracétamol). Un bon placébo ferait très bien l'affaire.
22h30,je me couche, épuisé, après avoir avalé quelques tranches de saucisson avec Hiro. C'est probablement le plus grand mangeur de saucisson d'Indonésie.
Bonne nuit.
Ces derniers jours, la routine s'est mise en place, les habitudes s'installent:
4h45; mon réveil sonne. Ça fait déjà un bon moment que je suis plus ou moins réveillé, surtout en ce moment de ramadan ou les mosquées crachent leurs prières dès 3h30. C'est tellement fort que j'ai à chaque fois l'impression de dormir dans la mosquée. Hiro, le directeur du foyer réveille les enfants qui vont se doucher. Moi aussi je me lave. La douche, c'est simple: un bac d'eau (de pluie) et une casserole en plastique pour s'asperger d'eau froide. Puis je pars à la chasse aux fugueurs: tous les enfants sont encore à moitié comateux avant la messe et beaucoup sont tentés de se recoucher. Du coup, on a fait réparer la serrure du dortoir et on le ferme. Une tentation en moins.
5h23; la messe de 5h30 commence. Le père Henri, 81 ans, est comme chaque jour venu en moto. Les filles du foyer des filles (c'est débile de dire ça, non?) nous rejoignent avec leurs trois bonnes sœurs pas très marrantes. On s'assoie par terre, les garçons à gauche, les filles à droite, et un très large passage entre les deux. Le père Henri fait au moins deux homélies durant la messe, une au début et l'autre après l'évangile. Il dit presque toujours la même chose: "on est des pêcheurs mais Dieu nous aime".
6h18. En attendant le petit déjeuner, vers 6h30, première ouverture de mon bureau. C'est le rush: Mister kaos kaki, monsieur, des chaussettes; minta uang? Je peux avoir des sous? Saya mau duit. Je veux des sous... Ada sikat gigi? Il y a des brosses à dents?
6h32, petit déjeuner. Le riz de la veille est servi frit avec quelques morceaux d'oeuf et de poisson dedans. On boit un thé très très sucré (et c'est peu dire!).
6h44, réouverture du bureau des pleurs. Même topo qu'un quart d'heure plus tôt, mais avec encore plus de monde et la tension qui monte: on va bientôt être en retard à l'école.
6h59. Les derniers repartent.
7h11. L'école a commencé. Apparait un mec qui veut me faire croire qu'il est malade. En fait il ne veut juste pas aller à l'école. Il veut que je lui fasse une lettre d'excuse. Pourquoi t'es pas venu plus tôt? Pourquoi tu dis que tu as de la fièvre et le thermomètre indique 37,00°? T'es pas malade. Je te fais pas ta lettre. T'assumes tes conneries avec tes profs.
7h14. Je me recouche pendant une heure, juste reveillé par les lycéens qui veulent que je leur ouvre une salle (ils n'ont pas cours le matin), puis par Tonu, le cuistot, qui veut 300 000 Rp pour aller faire les courses, puis par le livreur de gaz, puis.... En fait je ne dors pas vraiment.
7h55. Il faut faire la chasse aux lycéens pour qu'ils se mettent à l'étude.
8h13. L'étude de 8h00 commence laborieusement. Ils dorment tous à moitié. L'avantage, c'est qu'ils ne font pas de bruit et que je peux aussi bosser un peu.
09h00 très précises. Fin de l'étude.
09h04. J'enfourche ma moto pour aller en ville.
09h21. J'arrive à la banque. Je ne connais personne, mais tout le monde me connait. L'autre jour, quand je faisais la queue (ici, dans les banques et les stations service, on fait autant la queue qu'en France à la Poste ou à la Sécu), ma voisine de devant m'a demandé ce que je faisais dans la vie, d'où je venais, comment je m'appelais, quel était mon age, si j'étais déjà marié, où j'habitais, pourquoi je venais à la banque, quelle était ma religion, et quel était mon numéro de portable. A toutes les questions, sauf la dernière, c'est le guichetier qui a répondu, alors même que je ne lui ai jamais rien dit... J'ai eu aussi la même aventure à la douane en allant chercher une amie au port. Je fais donc imprimer mon relever de compte (ici il n'est jamais envoyé par la poste), puis je fais faire de la monnaie pour l'argent de poche: je donne 500 000Rp en billets de 50 000, et je repart avec un kilo de billets de 1000Rp et 5000Rp. Si par hasard il devait y avoir pénurie de monnaie au foyer, ce serait la révolution!
9h45. Je ressort de la banque et passe à la pharmacie, au presbytère pour dire bonjour au père Henri, éventuellement au supermarché... J'ai de la chance, ce matin il n'y a pas de vrai malade: pas besoin d'aller au dispensaire. C'est une grosse heure de gagnée.
12h15. Je rentre au foyer à peu près au même moment que les collégiens rentrent. Déjeuner. Invariablement du riz blanc avec un petit poisson et des légumes à l'eau. Déjeuner un peu libre parce que tous ne rentrent pas à la même heure, et les lycéens doivent partir. D'ailleurs au milieu de mon repas, je dois aller leur ouvrir le vestiaire. Je ne suis pas sensé le faire à cette heure-ci, mais bon, ils ne vont pas aller pieds-nus à l'école. Il faut l'uniforme.
12h45-13h15, réouverture du bureau des pleurs. 13h15. Je fais une sieste. Les collégiens - qui doivent normalement dormir - s'en foutent et frappent à ma porte. Ils le font avec tant d'insistance que parfois j'ai cru que c'était pour quelque chose d'important. Mais c'est jamais le cas. Alors maintenant je les envoie au diable ou je ne leur ouvre même plus.
14h45. Fin de ma sieste, mais je n'ouvre toujours pas la porte: Les jeunes doivent encore se reposer. Je bouquine: en ce moment L'Islam des interdits de Anne-Marie Delcambre. C'est pas hyper fun d'être musulman.
15h30, étude des collégiens. C'est Hiro qui s'en occupe. Je poursuis ma lecture ou check mes mails.
16h30, ménage. Chaque espace du foyer (extérieur, chapelle, WC, dortoir, vestiaire, grande salle..) est sous la responsabilité d'une classe de collégiens. C'est fait. Vite fait et correctement fait. Après c'est la pose, récréation. Mon bureau est ouvert ou je vais jouer au ping-pong. Il va aussi falloir que je mette en place des cours d'Anglais. Mais bon, on verra ça au retour de mon co-volontaire, après le ramadan.
18h45. C'est bientôt le dîner. Je vais presser les retardataires des douches (toujours les mêmes) en les menaçant de fermer le vestiaire. Ils seraient alors obligés de rester à poil.
18h59 59'' je ferme le dortoir. C'est le dîner. Rizal Don Bosco (c'est son prénom, mais on ne dit que Rizal) lit le Bénédicité. Puis chacun se sert (après moi tout de même). C'est le rush. Ils mangent souvent sans couverts, partagent un verre à plusieurs. Le dîner est très différent du déjeuner: riz blanc (les restes du déjeuner réchauffés. Les restes des restes serviront pour le lendemain matin) avec un petit poisson et des légumes à l'eau. Le Jeudi soir c'est la fête, on remplace le poisson anoréxique par un poulet rachitique. Et parfois (mais faut pas abuser, c'est rare) un fruit.
19h17. Les Grâces sont lues.
19h18. Mouvement de foule vers l'étude qui commence à la demie. L'équipe vaisselle fait la... vaisselle. (Mal, d'ailleurs).
19h41-19h44. Trois minutes de vrai silence et de concentration dans la salle d'étude. Sinon, c'est plutôt le bazard. Je crois que ça n'est pas de la mauvaise volonté, mais vraiment, ils ne savent pas travailler.
21h15. Fin de l'étude. On va à la prière. Lecture commune de l'évangile du lendemain matin suivi d'un commentaire de Hiro, le directeur du foyer (comme ça on aura eu trois homélies). Le Jeudi, variante: on rajoute des chants de Taizés, en indonésiens. (Par exemple, Bless the Lord my soul devient Pujilah Tuhan). Ils chantent assez mal.
21h29, réouverture du bureau, distribution des médicaments (90% de paracétamol). Un bon placébo ferait très bien l'affaire.
22h30,je me couche, épuisé, après avoir avalé quelques tranches de saucisson avec Hiro. C'est probablement le plus grand mangeur de saucisson d'Indonésie.
Bonne nuit.
1 commentaire:
tu m'as bien fait rire sur ce message.
je trouve que t'écris pas mal du tout mon cédou, t'as pris des cours d'écriture ?? C'est clair, drôle et ca se lit facilement !
"Le Jeudi soir c'est la fête, on remplace le poisson anoréxique par un poulet rachitique"
doudou from Paris
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